Infernal Laugh-Track, circa 1883...
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Le Rire
(A Georges Lorin).
Rire nerveux et sardonique Qui fais grimacer la douleur, Et dont le timbre satanique Est la musique du malheur ;
Rire du paria farouche Quand, d'un geste rapide et fou, Il met le poison dans sa bouche Ou s'attache la corde au cou ;
Rire plus amer qu'une plainte, Plus douloureux qu'un mal aigu, Plus sinistre qu'une complainte, Rire atroce aux pleurs contigu ;
Sarcasme intime, inexorable, Remontant comme un haut-le-cœur Aux lèvres de la misérable Qui se vend au passant moqueur :
Puisque, dans toutes mes souffrances, Ton ironie âpre me mord, Et qu'à toutes mes espérances Ton explosion grince : « A mort ! »
Je t'offre cette Fantaisie Où j'ai savouré sans terreur L'abominable poésie De ta prodigieuse horreur.
Je veux que sur ces vers tu plaques Tes longs éclats durs et stridents, Et qu'en eux tu vibres, tu claques, Comme la flamme aux jets ardents !
J'ai ri du rire de Bicêtre, A la mort d'un père adoré J'ai ri, lorsque dans tout mon être S'enfonçait le Dies irae ;
La nuit où ma maîtresse est morte, J'ai ri, sournois et dangereux ! - « Je ne veux pas qu'on me l'emporte ! » Hurlais-je avec un rire affreux.
J'ai ri, - quel suprême scandale ! - Le matin où j'ai reconnu, A la Morgue, sur une dalle, Mon meilleur ami, vert et nu !
Je ris dans les amours funèbres Où l'on se vide et se réduit ; Je ris lorsqu'au fond des ténèbres, La Peur m'appelle et me poursuit.
Je ris du mal qui me dévore ; Je ris sur terre et sur les flots ; Je ris toujours, je ris encore Avec le cœur plein de sanglots !
Et quand la Mort douce et bénie Me criera : « Poète ! à nous deux ! » Le râle de mon agonie Ne sera qu'un rire hideux !
Maurice Rollinat, 'Les Névroses', 1883.
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Laughter (To Georges Lorin.)
Laughter nervous and sardonic Which only makes Pain smile, And bears a mark satanic; ‘Tis the music of Fortune vile;
Laughter of the outcast savage When, with a fast and frantic grope, Has drunk the poison’s ravage, Or ties about his neck a rope;
Laughter more bitter than complaint, More dolorous than a piercing pain, More sinister than a lament faint, Atrocious sound where tears must reign;
Intimate, inexorable sarcasm slips, Resurges like vomit rising high To the desperate woman's lips Who sells herself to mocking passers-by:
Since, in all my lamentations, Your biting irony gnaws, And toward all my expectations "Die!" shrieks from your grinding jaws.
I offer you this Fantasy Where I savored without terror This, the abominable poetry Of stupendous horror and error.
I wish that this verse which you flatten With blows so hard and so strident, This verse shall shudder as you batten, With blasts both blazing and ardent!
I laughed the laughter of Bedlam, mad At my dear father’s final demise. I laughed, with everything I had When that Day of Wrath did rise;
The night when my mistress died, I laughed, sly and dangerous! After, - "I don't want to be swept away, too!" I cried And screamed with an awful laughter.
I laughed, - how supremely scandalous! - The morning when I had seen, At the Morgue, on a slab, cadaverous, My best friend, naked and green!
I laugh at the loves lugubrious Where one empties oneself away; Melting all into darkness, tenebrous; Fear beckons me, makes me its prey.
I laugh at the pain that devours me; I laugh at the earth, at the flood; I’m still laughing the laughter of infamy With a heart full of sobs, as of blood!
And when blessèd Death, soft and ebony Shouts: "Poet! We’re one forever after! " The gasp of my dying agony Will only be hideous laughter!
Maurice Rollinat, 'Les Névroses', 1883.
(English translation: Sardonique Schadenfreude Rictus / Dr Bathybius: 2007) |
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Le Rire